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Le 05/05/2007 à 15h30 (213.151.***.***) |
- Fox - (tranche de vie)
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( Musique de fond : "la Dernière Séance" de Mr Eddy ...)
Testify : Echappée (de la) Belle
Comme chaque fois que je reviens dans cette ville d'adoption, je suis repassé avant-hier par la petite rue où se trouvait mon cyber-labo. (Au départ, j'avais juste un coin de bureau, au 24, pour poser mon ordi tout neuf *, dix ans plus tard, nous avions les 3 étages du 28 pour travailler !)
* [Note du Technicien :un des premiers Amiga 2000 arrivés en France. Modèle Janus : avec une carte PC bootable, jumelée à la carte-mère Commodore et ses 3 coprocesseurs dédiés respectivement au son, à l'image, et au reste].
Et j'ai revu une voisine qui habitait au milieu de la rue, dans une "chambre de bonne" (un petit studio, tout en haut), et qui travaillait alors comme serveuse dans un restaurant néo-médiéval ("gothique/beauf", à ses dires ....)
Je ne l'ai pas "connue" au sens biblique, mais comme elle passait souvent devant chez nous à vélo, on avait fini par communiquer autrement qu'à travers la vitrine (réservée à la chatte noire & blanche, et au yucca géant, qui se la jouaient stars du quartier ...)
Elle était vive et indépendante, toujours bronzée (cf. le vélo) et pimpante (un rien moqueuse).
Et là, devant mes yeux irrités par la sueur de mon front, sceptiques au carrefour, je l'ai vue carrément clochardisée : elle portait toutes ses affaires dans une sorte de vieux sac de sport en toile, jeté dans son dos par dessus l'épaule. Elle me devança rapidement tandis que je tirais ma valise à roulettes, le powerbook dans mon sac-à-dos.
A l'évidence elle refaisait, elle aussi, le pèlerinage, pour le flash-back des 90's.
Mon local de "création audio-visuelle appliquée" a été démoli, il y a quelques temps déjà, pour refaire des "logements de standing". Alors, sans attaches disponibles, nos chemins se sont recroisés plusieurs fois, comme par hasard, en allant dans le centre ville ...
Mais, et c'est ça le pire, il semblerait qu'elle se soit emmurée dans son esprit d'indépendance, et ne parle plus. (Quelque part, une brisure, sans résilience ... masquée par une "débrouillardise" un peu trop ostentatoire ...)
Comme je connaissais son caractère, je fus vite en empathie avec ses manières : Elle reste très attentive à tout, aux gens, aux lieux, aux choses ; et tente de terminer un Yop abandonné sur le rebord d'une fenêtre. (Pas une goutte : complètement vide - si l'on peut dire).
Se croyant toujours si maligne, elle va enjamber une rambarde, au lieu d'aller prendre le passage clouté quatre mètres plus loin ... Telle une fugitive ...
Je l'ai revue en train de se laver les pieds en marchant dans un bassin décoratif, un caniveau artificiel qui ne sert à rien, qu'à elle ... Comme pour une promenade à marée basse, dans sa tête ...
Alors je suis passé exprès sur la passerelle étroite, tout près (tout prêt ...), mais le contact ne s'est pas fait. Elle monologue en silence, avec un sourire qui fait mal, sur son visage écorché.
Comme un défi constant. Une rupture permanente. ("R'n'R attitude" ?)
(Ce que je redoute : que son minois pétri "d'arrogance de la jeunesse", se change en rictus sardonique par moment, comme habité par un démon sans illusion ...)
La gamine trop lucide, trop mâture, est devenue une trentenaire SDF. Toujours fière et indépendante. (Il y a toujours eu dans le coin un foyer-refuge, où il faut payer un minimum, et puis prendre ses cliques et ses claques dès le matin : elle doit y zoner de temps en temps. Peut être ... Peu(t) être.). Encore très féminine, et visiblement l'esprit débordant de confiance (en elle, pour le moins). Par quels mystères ?
A l'époque, on l'aurait bien embauchée, avec mon associé, parce qu'elle était réellement vive et sympa. Pleine de ressources ... Mais c'est nous, qui avions été licenciés économiques, en pleine tentative d'autogestion, qui sommes partis du conapt. On a du quitter la rue (avec 3 camionnettes et un break ... lancés dans l'inconnu) ...
D'ailleurs c'est de là que vient mon nomadisme de "cyber-saltimbanque" en goguette, car, à la quarantaine, il a fallu "rebondir", (comme on dit ... ... aux gens à qui on a lâché la main). _
Mon associé, ingénieur "en ronds dans l'eau," est parti vendre des frites, tout en faisant du théâtre à côté. Les autres, de la belle équipée sauvage, je ne les ai quasiment jamais revus. (Et ce n'est pas le moindre des sinistres, cette déchirure dans le tissus social, à nos corps défendant).
A l'époque ce sont les socialistes qui nous ont mis sur le carreau. Mais j'ai comme l'impression qu'avec la sarkozite (et une diminution des budgets pour la recherche, l'éducation etc. sans compter la radicale suppression d'un Ministère de la Culture !), ça serait loin d'être mieux !
(D'ailleurs le candidat sortant l'a dit pendant le débat : "avec moi c'est pire !". Mais bien sûr, il ne le pensait pas ... Il ne peut pas savoir, ce que ça veut vraiment dire, "pire" ...)
Pour rebondir, il faut bien savoir tomber. Il faut savoir bien tomber. Aussi.
Surtout pas rester immobile. Rencontrer l'opposition, faire corps avec. Repartir à 0, en croisant les retardataires, qui continuent de descendre ...
( (musique générique : "je veux chanter pour ceux, qui sont loin de chez eux, et qui ont dans les yeux, quelque chose qui fait mal, qui fait mal" etc.) Sorry pour les fautes orthographiques, mais c'est toujours mieux que la phonetique, non ?)
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