La première, c'est le degré zéro de la compassion. Voilà, je passe par là, ouh, comme c'est triste ton histoire, tiens y'a un "smiley" (même pas un mot, hein) qui exprime juste ce que j'éprouve, et toc, voilà, "A voté", non pardon, "A exprimé sa compassion", tarif 30 grosses secondes, une petite minute à tout casser. Bon, OK, c'est un clin d'oeil à l'auteur de l'appel, c'est mieux que rien, mais au-delà des 30 secondes de chaleur que ça peut apporter, ça ne change rien à la situation. C'est symptomatique d'un réflexe actuel : du moment que je montre ma compassion, que je sympathise avec "les luttes sociales", que je dis et pense politiquement correct, je fais ma part du boulot. En fait, non.

La deuxième, c'est un peu plus impliqué, c'est peut-être 2-3 minutes d'accordées en réflexion et en écriture, en dépit du style "télégraphique" un peu désinvolte. Le symptôme que ça révèle de façon extrêmement claire et concise, c'est cette croyance que le service public est l'interlocuteur à solliciter pour un peu tout et que si l'Etat peut pas, personne pourra. C'est le symptôme très actuel de la déresponsabilisation ("il faut que tu te fasses aider, toute seule tu ne pourrais pas") et de la coupure du lien social ("écoutes, je te suggère d'aller voir ces gens-là, moi je peux pas faire plus"), à une époque où justement il y a besoin de plus de répartition de la responsabilité et du lien.

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A part ça, c'est une évolution qui surprend un peu mais sans doute normale : les forums ont tendance à devenir l'équivalent virtuel du métro, un espace public informel où l'on est sûr d'avoir l'attention d'un public quelques instants pour un message d'appel à l'aide, comme l'atteste le message de Nathalie.

Nathalie, c'est pas la joie ce qui t'arrive et on compatit, bien sûr. Chacun de nous connaît des embuches dans la vie, mais elles sont de gravités diverses, il est vrai. Dans une situation difficile comme ta situation actuelle, il n'y a pas de solution-miracle, pas de service public capable de résoudre tous les problèmes et de rendre heureux, cela va sans dire mais ça va mieux sans doute en le disant.

Tu évoques la dignité à propos d'une rencontre récente. C'est sans doute ce sentiment de dignité qui peut servir de base première à une remontée hors du trou. La dignité, le respect de toi, concentre-toi là-dessus, ce sont ces sentiments qui te donneront l'énergie de tenter d'abord de petites choses puis peut-être de plus importantes.

Comme petite action de dignité, pour moi, ce qui a servi d'amorce à la reconquête d'une vie meilleure chaque fois que j'ai été dans une galère (pas autant que toi en ce moment, mais tout de même quelques histoires de dope, de pas de piaule, de pas de boulot), c'est l'exercice physique, le sport -- repartir du corps pour redonner du tonus à la tête.

Pour l'instant j'aimerais me concentrer sur les récits multimédias à publier sur mon site Web -- ce qui devrait te satisfaire, Petithom --, mais même pour ça, j'ai du mal ! Je suis très lent à pondre les trucs et je fais des blocages. Ca fait 2 mois que je veux en effet faire un récit sur les concerts d'Olive, notamment sur celui du 15 juin. Mais voilà, je me suis dit, "Ah mais il faut absolument que j'évoque les répètes des jours précédents, c'est trop révélateur". Et puis, "Ah oui, la montée d'excitation pendant mai-juin". Et encore, "D'ailleurs, pour bien faire, il faut remonter à son retour à Paris, en octobre -- au fond du trou qu'il était !".

Ta lecture de PPDA a du etre assez emouvante et enrichissante, c'est vrai que c'est quand meme un sacré type, merci de l'avoir dit.