Sur le CPE, on est d'accord, ça avait un intérêt, mais l'impératif et le côté positif d'une plus grande flexibilité n'ont pas été assez expliqués et le Premier ministre s'est trop obstiné. Cela dit, je n'ai pas compris ta dernière phrase ; tu veux reformuler ?

@ Framboise : Ah bon, c'est nous qui devons replancher, alors ?! Et sur une rumeur machiavélique, en plus ? Alors rapidement :

Je le trouve bien parano, ton juge, et sa théorie bien machiavélique elle-même mais, il est vrai, symptomatique de notre époque où l'on se défie de tout. Ces dernières décennies, la justice s'est assez nettement émancipée du pouvoir exécutif (comme les médias et un peu tout le monde, en fait), il y a des chances que ça continue, mais je ne nous vois franchement pas retourner en arrière. Tous les progrès de la démocratie -- et ils vont assez vite -- sont à mon avis des acquis en France.

Par ailleurs, la commission parlementaire sur les dysfonctionnements d'Outreau a plutôt été un grand moment de démocratie ; le juge Burgaud a malheureusement montré de grosses limites et n'a pas été spécialement "lynché". La dernière audition de la commission a eu lieu hier, elle s'est terminé avec les 2 plus hautes autorités en matière de justice, le premier président de la Cour de Cassation et le procureur général auprès de ladite Cour de Cassation. En voici le compte-rendu dans Libération :

Si le gouvernement "t'a fait mentir", c'est peut-être qu'il n'est pas aussi "libéral" que tu le crois. En France, on n'a pas tellement cette tradition, on a une tradition d'Etat fort. Et puis comment aurais-tu voulu qu'ils en remettent une couche alors qu'ils ont perdu l'épreuve de force avec la rue ? Evidemment, ce qui le remplace, c'est le contraire d'une réforme structurelle, c'est du sparadrap qui tiendra un temps et qui coûte cher ; mais ça a été mis en place à moitié pour ne pas rien faire du tout et à moitié pour ne pas perdre la face.

Mais bon, moi, s'il y a une chance que j'embauche un traducteur débutant (à supposer que je me résolve à ne plus travailler chez moi), ce ne seront pas 400 euros par mois la première année et 200 euros par mois la seconde qui me feront sauter le pas. Alors qu'avec le CPE, qui aurait instauré au moins pendant les 2 premières années l'égalité contractuelle (il ou elle peut partir quand il veut, je peux lui demander de partir quand je veux), j'en aurais été plus proche.

Oui, les quelques fois où je suis tombé sur "C'est dans l'air", j'ai trouvé bon l'animateur, dont je n'ai pas retenu le nom. En revanche, je connais celui de Dominique Baudis dont tu devais parler. Sa remarque n'est pas fausse, en effet, et mon hypothèse (que Villepin aurait offert sa démission et que Chirac l'aurait refusée) pourrait bien l'être (fausse). Autant on peut penser que les hommes politiques font trop carrière chez nous, autant il serait tout aussi excessif qu'un échec, même comme celui-ci, vous raye du registre des hommes politiques actifs. Mais le pays a grand besoin de discours et d'attitude cohérents, il vaudrait mieux qu'on pèse plus soigneusement ses paroles, qu'on jauge avec un peu plus de sagacité la situation plutôt que d'être aussi péremptoire que l'a été Villepin en présentant ses décisions comme irrévocables pour finir par les révoquer.

Il ne s'agit pas de "renier" un engagement passé, en effet, mais d'en conserver cet esprit tout en le dépouillant de son romantisme excessif et en visant l'efficacité et le réalisme. Autre façon de le dire : il faut conserver dans son paysage politique mental un certain curseur "à gauche" ; parce que la solidarité avec l'autre est une valeur de gauche et qu'elle exige des piqûres de rappel permanentes (c'est aussi pour ça que depuis 50 ans, il y a une pression morale pour être de gauche, ça n'est pas quelque chose d'absurde). Mais en même temps, il faut laisser tomber les histoires de camp et de "camp d'en face" comme dit JM. Il faut admettre que seul le travail crée de la richesse et que l'esprit d'entreprise et le commerce sont consubstantiels à l'homme.

En tout cas, n'hésite pas à en dire un peu plus sur tes réflexions actuelles !

D'une part j'ai du mal avec le sentiment de victoire qui anime les manifestants de ces dernières semaines. Le CPE est mort, soit. Mais le problème du chômage des jeunes auquel le CPE proposait d'apporter un bout de solution demeure. N'est-ce pas plus important de lutter contre ce problème que contre le "camp d'en face" ? Je ne peux pas m'empêcher de penser, à la vue du calendrier électoral, que la réponse est "non", même si je ne demande pas mieux que d'avoir tort.

Ensuite pourquoi suis-je négatif par rapport à ce qui est proposé en lieu et place du CPE ? D'une part pour la raison évoquée précédemment, que le fond de la réforme soit bon ou mauvais, le jeu politique fait que la réforme sera contestée. D'autre part, parce qu'un gouvernement libéral ne peut que proposer des choses allant dans le sens du CPE, à moins de se désavouer et de proposer quelque chose qui ne ressemble pas vraiment à ce que son électorat attendrit de lui.
Il semblerait qu'ils aient choisi la seconde option, visiblement ils me font mentir (cf. ce que j'ai écrit hier), voyons avec quel bonheur seront acceuillies ces nouvelles propositions.

Tu notes d'ailleurs qu'à chaque fois que les communistes ont été au gouvernement du pays, ils ont eu une action bien différente de la doctrine du parti. Bien sûr, ils étaient tenus par les socialistes (ou les gaullistes en 1946), mais c'est aussi parce que quand tu arrives vraiment aux affaires, au gouvernement de la France, tu ne peux plus tenir de discours irresponsable. Tu te sens comptable de l'action publique, du sort de tes concitoyens. C'est pour ça qu'on parle de "gauche de gouvernement", parce qu'il y a vraiment une ligne de partage entre ceux qui ont été au gouvernement et qui savent ce que ça représente et ceux qui n'y ont pas été, qui n'iront sans doute jamais et qui peuvent continuer à raconter n'importe quoi pour exister.

Bon, cela dit, "gauche de gouvernement" ou pas, on doit malheureusement avoir le PS le plus langue-de-bois d'Europe. Tiens, à ce propos, il vient d'y avoir des élections législatives en Italie, et il paraît que la coalition de Romano Prodi rassemble l'équivalent d'un éventail français qui irait de François Bayrou à Arlette Laguiller ("et même au-delà" ! a ajouté Maurice Olivari, le correspondant de TF1 en Italie). Quand j'ai raconté ça à dîner, Jérémie a rétorqué, "Ici, Arlette Laguiller n'arrive même pas à s'allier à Olivier Besancenot" !

Comme le dit bien Jacques Marseille (voir le lien dans ma contrib précédente), notre pays est encore dominé par cette culture de la Révolution et de la Résistance alors que ça n'est plus opérant pour avancer aujourd'hui. Mais il semble, comme il le dit aussi, qu'on arrive au bout d'une séquence, là. On pourra manifester à 5 millions dans les rues, ce n'est pas ça qui résoudra les problèmes, qui donnera du boulot, etc. Et ça, c'est en train de commencer à se voir, il me semble tout de même.

Ce qui a été annoncé pour le remplacer est beaucoup plus classique, le genre de trucs qu'on sait faire en France depuis des dizaines d'années sans que ça change grand chose : rendre les dispositifs d'aide à l'embauche des jeunes déjà existants plus attractifs pour les employeurs ; ça nous coûterait 450 millions d'euros en plus (par an ? je n'ai pas vu le détail). Bof bof bof.

Sur le plan politique, c'est assez lourdement gênant que Villepin ne démissionne pas après un coup pareil ; apparemment, ç'aurait été son genre et il est vraisemblable que c'est Chirac qui l'a prié de n'en rien faire pour ne pas avoir à choisir entre l'ambitieux Sarkozy et la pas-vraiment-au-niveau MAM. Et puis Ed a raison, comment ça se fait que tu sois aussi négatif, jm ?

Le keffieh serait il devenu l'emblème du mal contre le bien ou l'inverse...