ESPRIT DE CHEVALERIE(et non plus cow-boy ...)
De la part de la police, c’est manquer de ce que l’on appelait “l’esprit de chevalerie” * (ou chevaleresque) en s’en prenant ostensiblement à Muhittin Alun, piéton de son état (et rescapé d’un transformateur EDF). Parce que 1/ soit il n’y était pour rien dans l’échauffourée, et on n’en parle plus ... sinon c’est une injustice de plus. (Rappelons qu’il y a eu mort d’hommes, donc nous sommes sortis du cadre de la petite délinquance et de son encadrement) ... 2/ soit il était dans le coup, parmi les émeutiers qui commencèrent à brûler des poubelles (mais qui pourra le prouver, hormis les policiers qui sont juges et parties ?) et alors il n’était pas nécessaire d’en faire un héros, voire un martyr ... Quel manque de psychologie ! Une fois de plus ...
L’interview dans http://www.20minutes.fr/articles/2006/06/01/actualite_france_Muhittin_Altun_Mardi_je_n_ai_pas_couru_je_me_suis_retrouve_en_cellule.php
“>20minutes (où l’intéressé (c'est le cas de le dire) raconte : ”Je suis resté, je n'avais rien à me reprocher. Je me souviens que deux policiers venus me voir à l'hôpital juste après mes graves brûlures m'avaient demandé pourquoi j'avais couru avec Zyed et Bouna. Ils m'avaient dit : « Quand on n'a rien à se reprocher on ne court pas en voyant la police. » Mardi, je n'ai pas couru, je me suis retrouvé en cellule.”
* Cela me fait penser au http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_reception/chamfort.html”> discours de M. de Chamfort
(à son arrivée à l’Académie Française, le jeudi 19 juillet 1781)
"De l’ancienne chevalerie"
[...]“ L’honneur et l’amour, la devise des chevaliers, c’est leur histoire et celle de France.
[...] La Cour eût décidé, je crois, que l’ancienne chevalerie ayant uni très-bien l’honneur et l’amour, je dois, quoi qu’il arrive, je dois, en parlant de l’ancienne chevalerie, unir bien ou mal l’amour et l’honneur.
[...] Étrange institution, qui se prêtant au caractère, aux goûts, aux penchans communs à tous ces peuples du Nord, conquérans et déprédateurs de l’Europe, les passionna tous à-la-fois, en attachant à l’idée de chevalerie l’idée de toutes les perfections du corps, de l’esprit et de l’ame, et en plaçant dans l’amour, dans l’amour seul, l’objet, le mobile et la récompense de toutes ces perfections réunies ! Jamais législation n’eut un effet plus prompt, plus rapide, plus général ; c’est qu’elle armoit des hommes nés pour les armes, et qu’à l’exemple de la religion nouvelle de Mahomet, elle offroit la beauté pour récompense de la valeur.
L’instant où naquit la chevalerie dut la faire regarder comme un bienfait de la divinité. C’étoit l’époque la plus effrayante de notre histoire ; moment affreux où, dans l’excès des maux, des désordres, des brigandages, fruits de l’anarchie féodale, une terreur universelle, plus encore que la superstition, faisoit attendre aux peuples, de moment en moment, la fin du monde, dont ce chaos étoit l’image. Dans cet instant, s’élève une institution qui, réunissant une nombreuse classe d’hommes armés et puissans, les associe contre les destructeurs de la société générale, et les lie entre eux du moins par tous les nœuds de la politique, de la morale et de la religion, de la religion même, dont elle empruntoit les rites les plus augustes, les emblèmes les plus sacrés, enfin, tout ce saint appareil qui parle aux yeux, frappant ainsi à-la-fois l’ame, l’esprit et les sens, et s’emparant de l’homme par toutes ses facultés”.
[ensuite, Chamfort fait une diggression sur ce qui ressemble à la Rock’n’Roll Attitude ...
:]
“ Sous ce point de vue, quoi de plus imposant, de plus respectable même que la chevalerie ? Combattre, mourir, s’il le falloit pour son Dieu, son Souverain, pour ses frères d’armes, pour le service des dames (car dans l’institution même elles n’occupent, contre l’opinion commune, que la quatrième place, et le changement, soit abus, soit réforme, qui les mit immédiatement après Dieu, fut sans doute l’ouvrage des chevaliers françois), enfin, secourir les opprimés, les orphelins, les foibles : tel fut l’ordre des devoirs de tout chevalier. Et que dire encore de cette autre idée si noble, si grande, ou créée ou adoptée par la chevalerie, de cet honneur indépendant des Rois en leur vouant fidélité ; de cet honneur, puissance du foible, trésor de l’homme dépouillé ; de cet honneur, ce sentiment de soi invincible, indomptable dès qu’il existe, sacré dès qu’il se montre, seul arbitre dans sa cause, seul juge de lui-même, et du moins ne relevant que du Ciel et de l’opinion publique ? Idée sublime, digne d’un autre siècle, digne de naître dans un temps où la nature humaine eût mérité cet hommage,où l’opinion publique eût pris des mains de la morale, sous les yeux de la vertu et de la raison, les traits qui devoient composer le pur, le véritable honneur, l’honneur vénérable, dont le fantôme, même défiguré, est resté encore si respectable, ou du moins si puissant !”
[Après quoi, revenant à ses moutons, il pratique une anti-thèse (il part en vrille, avec quelques fourchettes, et double-flips, sans tilter), pour se rendre plus crédible encore :
(c’est moi qui souligne) ]
[...] Ne nous plaignons plus, Messieurs, après un pareil trait, digne d’honorer les annales des Grecs et des Romains, ne nous plaignons plus de ne pas rencontrer plus souvent dans notre histoire des exemples d’un héroïsme si pur et si touchant. Ah ! Loin d’en être surpris, admirons plutôt que dans ces temps déplorables de tyrannie et de servitude, toutes deux dégradantes, même pour les maîtres, un guerrier du quatorzième siècle ait trouvé dans la grandeur de son ame ce sentiment d’humanité universelle, source du bonheur de toute société. Qui ne s’étonneroit qu’un soldat, étranger à toute culture de l’esprit, même aux plus foibles notions qui le préparent, ait ainsi devancé le génie de Fénelon qui, trois siècles après, empruntoit à la morale ce sentiment d’humanité, pour le transporter dans la politique, occupée enfin du bonheur des peuples ?
Heureux progrès de la raison perfectionnée qui, pour diriger avec sagesse ce noble sentiment, lui associe un principe non moins noble, l’amour de l’ordre ; principe seul digne de gouverner des hommes, et si supérieur à cet esprit de chevalerie qu’on a vainement regretté de nos jours ! Eh ! Qui oseroit les comparer, soit dans leur source, soit dans leurs effets ? L’un, l’esprit de chevalerie, ne portoit ses regards que sur un point de la société ; l’autre, cet esprit d’ordre et de raison publique, embrasse la société entière. Le premier ne formoit, ne demandoit que des soldats ; le second sait former des soldats, des citoyens, des magistrats, des législateurs, des Rois : l’un déployant une énergie impétueuse, mais inégale, ne remédioit qu’à des abus dont il laissoit subsister les germes sans cesse renaissans ; l’autre, développant une énergie plus calme, plus lente, mais plus sûre, extirpe en silence la racine de ces abus : le premier, influant sur les mœurs, demeuroit étranger aux lois ; le second, épurant par degrés les idées et les opinions, influe en même temps, et sur les lois et sur les mœurs : enfin, l’un séparant, divisant même les citoyens, diminuoit la force publique ; l’autre, les rapprochant, accroît cette force par leur union.
C’est cet amour de l’ordre qui, mêlé parmi nous à l’amour naturel des François pour leurs Rois, a produit, et pour ainsi dire composé, ces grandes ames des Turenne, des Montausier, des Catinat, l’honneur à-la-fois et de la France et de l’humanité ; caractères imposans, où respire, à travers les mœurs et les idées françoises, je ne sais quoi d’antique, qui semble transporter Rome et la Grèce dans le sein d’une monarchie. Mélange heureux de vertus étrangères et nationales qui, semblables en quelque sorte à ces fruits nés de deux arbres différens, adoptés l’un par l’autre, réunissant la force et la douceur, conservent les avantages de leur double origine. Que ceux qui regrettent les siècles passés, cherchent de pareils caractères dans notre ancienne chevalerie.”
[Et là, à l’approche du bouquet final, paroxysme, il explose dans un slam vengeur, il remet les pendules à l’heure sur un tempo inoxidable (rappelons qu’il arrive, avec son sabre, à l’Académie le jour même) : ]
“[...] Aussi l’Europe moderne ne doit-elle qu’à la chevalerie les deux grands ouvrages d’imagination qui signalèrent la renaissance des lettres. Depuis les beaux jours de la Grèce et de Rome, la poésie fugitive, errante loin de l’Europe, avoit, comme l’enchanteresse du Tasse, disparu de son palais éclipsé. Elle entendoit depuis quinze siècles que le temps y ramenât des mœurs nouvelles, fécondes en tableaux, en images dignes d’arrêter ses regards ; elle attendoit l’instant, non de la barbarie, non de l’ignorance, mais l’instant qui leur succède, celui de l’erreur, de la crédule erreur, de l’illusion facile qui met entre ses mains le ressort du merveilleux, mobile surnaturel de ses fictions embellies. Ce moment est venu, les triomphes des chevaliers ont préparé les siens, leurs mains victorieuses ont de leurs lauriers tressé la couronne qui doit orner sa tête.
À leurs voix accourent de l’Orient les esprits invisibles, moteurs des Cieux et des enfers, les fées, les génies, désormais ses Ministres ; ils accourent, et déposent à ses pieds les talismans divers, les attributs variés, emblèmes ingénieux de leur puissance, de leur puissance soumise à la poésie, souveraine légitime des enchantemens et des prestiges.
Elle règne ; quelle foule d’images se pressent, se succèdent sous ses yeux ! Ces batailles où triomphent l’impétuosité, la force, le courage, plus que l’ordre et la discipline : ces harangues des chefs, ces femmes guerrières, ces dépouilles des vaincus, trophées de la victoire ; ces vœux terribles de l’amitié, vengeresse de l’amitié ; ces cadavres rendus aux larmes des parens, des amis ; ces armes des chevaliers fameux, objet, après leur mort, de disputes et de rivalités ; tout vous rappelle Homère, et c’est la patrie de l’Arioste, du Tasse, c’est l’Italie qui a mérité cette gloire, tandis que la France, depuis quatre siècles, languit foible et malheureuse sous une autorité incertaine, avilie ou combattue, sans lois, sans mœurs, sans lettres, ces lettres tant recommandées par la chevalerie…! “
[si quelqu’un sait quels sont ces 2 grands ouvrages dont il est question, je suis preneur ...
"Pour une nouvelle chevalerie" (plus post-moderne), en conclusion, et pour la beauté du geste, comme Chamfort citons la devise de son prédécesseur, M. de Sainte-Palaye :]
“Toutes servir, toutes honorer, pour l’amour d’une.”
... ... Rompez !