@ Larsen : BRAVO et MERCI, cher camarade programmeur du site de Louis ! Je viens de découvrir en faisant une recherche sur "Cyrulnik" dans ce forum les formidables améliorations à cette fonction de recherche que tu viens d'apporter !

L'individu a aujourd'hui largement les clefs de cette nouvelle étape dans son évolution, il a intérêt à repousser les explications faciles et à s'engager dans la voie de l'auto-analyse. "De belles et grandes choses peuvent être faites" sans ce travail, oui, sans doute, mais de mauvaises et basses choses se feront de plus en plus si ce travail est trop délaissé, parce que, comme je le faisais remarquer, l'exigence de réparation est de plus en plus forte de tous côtés et qu'elle est mal orientée : elle s'adresse de "groupes de victimes" à la société alors quelle devrait s'adresser principalement de l'individu à lui-même. Les meilleurs résilients sont probablement ceux qui parviennent intuitivement à ça, à s'acquitter et à acquitter l'autre dans le même mouvement sans avoir besoin d'en faire toute une auto-analyse.

En passant, Yamero, il y a un parallèle entre ce que j'essaye de faire sur le Bleu et les "jams" que tu as essayé d'animer sur le Vert. Et dans les deux cas, il n'est pas si facile d'amener les autres à faire l'investissement nécessaire pour participer. Je crois que je ne trouverai pas le temps de te faire la réponse parlante que j'ai en tête prochainement, ça me demanderai trop d'heures alors je me suis mis bien en retard. Une autre fois, peut-être.

@ Nebo : Oui, on est d'accord. Je me montrais favorable à la structuration de l'Islam français dans le principe, mais dans la pratique, ça n'a pas l'air de très bien fonctionner, en effet. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas réessayer, Sarkozy n'y a passé que quelques jours en temps cumulé. Mais ton exemple est parlant : Soheib Bencheik est une des voix les plus intelligentes de l'Islam français.

Les contraintes que nous devons subir dès l'accès à la conscience sont des atteintes majeures à l'image de nous-même en formation. Par exemple, l'enfant qui découvre vers 2-3 ans qu'il est un individu conscient, physiquement autonome, ressentant des désirs, cet enfant joue à découvrir les composantes de son pouvoir individuel... et se fait renvoyer dans les cordes pendant des nombreuses années, se fait "humilier", c'est-à-dire remettre à une place difficile à accepter pour qui découvre précisément le pouvoir de l'autonomie, et doit pourtant constater qu'il est largement assujetti pour de longues années.

En d'autres termes, déjà, il n'y a pas besoin d'avoir été maltraité dans son enfance pour avoir dû gérer l'humiliation, la blessure de l'amour-propre. Ensuite, oui, bien sûr, le recours propre à l'homme lorsqu'il rencontre des obstacles ou des atteintes insurmontables, au moins momentanément, c'est l'imagination, se raconter des histoires plus belles que la réalité pour ne pas déprimer. Et puis de toute façon, être "quelqu'un", c'est déjà travailler constamment à la construction de soi ("est-ce que je préfère le rouge ou le vert ?") et à enjoliver un peu les choses ("On ne dirait pas, comme ça, mais en fait, je suis un héros !").

Donc, en effet, tu l'as décrit très bien, il y en en chacun de nous deux niveaux de lecture, le "réel" (selon la terminologie de Lacan), que nous nous cachons, on va dire aux 3/4, qui est vraiment le moteur de base de nos comportements, et puis le camouflage qu'on peut appeler notre "réalité", ce récit perpétuellement en réécriture de qui je suis, dans lequel j'ai bien pris soin de masquer ce qui est le plus dangereux/destructeur pour mon image de moi. Meloman, en passant, de ce point de vue, on peut dire que les "pensées qui dictent les actes" ne sont pas une garantie de rationalité, puisque ce sont aussi des pensées cachées ou des pulsions en partie obscures pour l'individu qui le font agir.

Bon, YM, quand tu dis que cette réalité reconstruite vise principalement à montrer que "j'ai la plus grosse", c'est réducteur, mais je comprends bien que tu résumais rapidement l'affaire. À la limite, si on veut généraliser, c'est plutôt "J'ai été malmené et on me doit réparation et reconnaissance" que dit le réel de chacun, voire "Je l'exige !" quand la vapeur est trop forte.

Ce qui m'amène au coeur de mon propos. La découverte géniale de Sigmund Freud, bienfaiteur de l'humanité, qui au bout d'un siècle nous permet de décrire ainsi le psychisme individuel et qui a imprégné notre culture en profondeur, n'a pas encore été assez exploitée par les individus. (C'est un peu ce que tu dis en parlant de sa "faiblesse".) Face à ce tableau que nous venons de décrire, la seule vraie bonne décision, c'est de se saisir des principaux enseignements/outils de Freud et de prendre sa trace, c'est-à-dire de faire patiemment son "auto-analyse".

L'outil principal est très simple, il n'y a pas besoin de grande culture, d'avoir lu Freud en détail, c'est un outil que tout le monde peut utiliser, qui découle de ce que nous venons de dire. Il suffit, lorsque l'on réfléchit à soi-même, à la raison de ses actes, et qu'on pense trouver telle première raison valable, de se dire, "Non, ça, c'est ce qu'il m'arrange de me dire dans ma construction un peu idéalisée de moi". Et puis, "Quelle autre raison collerait assez bien mais me paraîtrait moins flatteuse ou moins tranquillisante ?". Et de poursuivre comme ça à intervalles réguliers. On n'est pas totalement dans le noir, parce qu'il y a une une petite part de nous qui ne demande pas mieux que de résoudre toutes nos tensions intérieures, qui milite pour la Vérité, qui "indique" très faiblement le bon cap -- et il faut s'accrocher pour l'entendre !

Alors je ne le nie pas, pour faire écho à une remarque de Yamero, c'est "prise de tête" à tous les étages, tous les jours ou presque, pendant des années ! Mais il me semble que c'est la voie incontournable d'aujourd'hui et que c'est un devoir pour chaque individu : travailler patiemment à désamorcer sa petite bombe perso, parce qu'à notre époque, il n'y a plus d'autorité externe suffisante pour tenir l'individu comme par le passé.

Et comme les individus renaclent à le faire -- comme le trahit cette expression "prise de tête" --, c'est le réel de collectifs d'individus qui surgit de façon incontrôlée dans la sphère publique de façon bien plus forte que par le passé. Je l'ai dit, ce qui cherche à se dire dans chaque individu ou dans beaucoup d'individus, c'est "J'ai été malmené et on me doit réparation et reconnaissance"; Eh bien ce mantra, puisqu'il n'est pas traité au niveau des individus, resurgit à travers des groupes de "victimes" et fait contre-sens : chaque demande de réparation est en réalité propre à chaque individu et les demandes de réparation collective ne peuvent pas être réellement satisfaites autrement que par "faux semblant", comme tu dis.

@ Nebo : Je comprends tout à fait que puisses apprécier Onfray ou un autre tout en restant critique sur certains points, c'est mon cas également et mon allusion était surtout une pirouette destinée à faire sourire. J'ai beaucoup apprécié la mise au point très ferme du Traité d'Athéologie en faveur d'un athéisme assumé, mais comme toi, je le trouve très réducteur de ne considérer les religions que sous le prisme du négatif et je trouve que ça affaiblit évidemment son propos.

Sur les mosquées et l'Islam en France, moi aussi, comme je l'ai dit, mes positions ne sont pas arrêtées, mais j'essaye de voir ce qui est préférable. Concernant le comparatif financement des mosquées/financement des églises que tu fais, il faut vraiment garder à l'esprit que les précédentes générations de français ont déjà payé pour, ne l'oublie pas, construire une église dans pratiquement chaque village de France. Par chez moi, j'en ai 5 ou 6 dans un rayon de 2 km à la ronde. Comme je te le disais, les églises, c'est déjà fait. Maintenant, pour promouvoir une mesure paraissant juste, on pourrait décider que l'on finance des mosquées et qu'en même temps, pour ne pas faire de jaloux et assurer une certaine équité, on débloque également des crédits (de moindre ampleur, bien sûr, puisqu'il y a un déséquilibre à rattraper) pour rénover les églises, les synagogues, les temples.

@ YM : Je n'ai pas été jusqu'au bout, c'est dense, mais c'est en effet intéressant. Dans le genre, il y a un excellent "Rebond" du psychanalyste Serge Héfez dans Libé du jour, intitulé http://www.liberation.fr/rebonds/232491.FR.php">"Ségo, Sarko, miroir des sexes". Extrait pour goûter :

Une femme, dans la nacelle d'une montgolfière ne sait plus où elle se trouve. Elle descend et aperçoit un homme au sol. Elle descend encore plus bas et l'interpelle :

- Excusez-moi ! Pouvez-vous m'aider ? J'avais promis à un ami de le rencontrer et j'ai déjà une heure de retard car je ne sais plus où je me trouve.
L'homme au sol répond :
- Vous êtes dans la nacelle d'un ballon à air chaud à environ 10 m du sol. Vous vous trouvez exactement à 11° Nord et 8, 25° et 58° Est .
- Vous devez être ingénieur» dit la femme aérostière.
- Je le suis», répond l'homme, comment avez-vous deviné ?
- Eh bien, dit la femme de la montgolfière, tout ce que vous m'avez dit à l'air techniquement parfaitement correct, mais je n'ai pas la moindre idée de ce que je peux faire de vos informations et en fait je ne sais toujours pas où je me trouve. Pour parler ouvertement, vous ne m'avez été d'aucune aide. Pire, vous avez encore retardé mon voyage.
L'homme, au sol, lui demande :
- Vous devez être Ségolène Royale?
- Oui, c'est moi, répond la femme avec fierté, mais comment avez-vous deviné?
- Eh bien, dit l'homme, vous ne savez ni où vous êtes, ni où vous allez. Vous avez atteint votre position actuelle en chauffant et en brassant une énorme quantité d'air. Vous avez donné rendez vous à un ami sans avoir la moindre idée comment vous pourriez être à l'heure et vous comptez maintenant sur les gens situé en dessous de vous pour qu'ils résolvent votre problème. Votre situation avant et après notre rencontre n'a pas changé, mais comme par hasard, c'est moi maintenant qui à vos yeux en suis responsable !